mardi 1 octobre 2013

POUCHOUS : AGALMA 2013

 
 
 
Jean-Bernard Pouchous-Agalma 2013
 
 
Les frontières entre le fantasme et la réalité sont si perméables que l'inconscient arrive toujours à se frayer un chemin bénéfique dans les ornières les plus inquiétantes de l'activité humaine." Daniel Leuwers

Cette oeuvre au moment de sa conception s’appelait "Ecole du surréalisme", pendant son exécution je l’ai appelé "Paris n’existe pas", puis une fois achevée, elle a pris son nom définitif de "Agalma".
Que veut dire toutes ces hésitations nominatives ?

 Agalma : L’agalmatophilie ou pygmalionisme (du grec agalma : "statue", et "philia" : amour), est une paraphilie relatant une attirance ou pratique sexuelle envers les statues, poupées, mannequins ou autres objets similaires figuratifs, fantasmée ou réelle. L'agalmatophilie peut aussi se référer au Pygmalionisme décrivant un sentiment d'amour pour un objet de sa propre création.
En opposition à l' agalmatophilie, il existe l' agalmatorémaphobie qui est la peur, lors d'une visite de musée, que les statues se mettent à parler.

 Ovide dans ses Métamorphoses raconte la légende de Pygmalion et Galatée, devenu un véritable mythe propagé à travers les siècles jusqu’à nos jours et l’on peut en voir une représentation en pierre sur le parvis de la grande entrée du Grand Palais des Champs Elysées à Paris. Pygmalion, sculpteur de Chypre, révolté contre le mariage à cause de la conduite répréhensible des femmes de Chypre, les Propétides, dont il était chaque jour témoin, se voue au célibat. Mais il tombe amoureux de son ouvrage, une statue en ivoire, qu’il nomme Galatée, l'habille et la pare richement.
Lors des fêtes dédiées sur l'île à Aphrodite, il prie la déesse de lui donner une épouse semblable à sa statue. La déesse exauce son vœu et Pygmalion s’unit à Galatée.

 Ecole du surréalisme :

 Le Surréalisme est un mouvement littéraire culturel et artistique de la première moitié du XXe siècle.
 
 En 1924, André Breton (1896-1966) en donne une définition dans le premier Manifeste du Surréalisme comme un « automatisme psychique pur, par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale [...].
Le surréalisme repose sur la croyance à la réalité supérieure de certaines formes d'associations négligées jusqu'à lui, à la toute-puissance du rêve, au jeu désintéressé de la pensée. Il tend à ruiner définitivement tous les autres mécanismes psychiques et à se substituer à eux dans la résolution des principaux problèmes de la vie. »
« Je crois à la résolution future de ces deux états, en apparence si contradictoires, que sont le rêve et la réalité, en une sorte de réalité absolue. » 

 L’aventure surréaliste passe par l'appropriation de la pensée du poète Arthur Rimbaud (changer la vie), de celle du philosophe Karl Marx (transformer le monde) et des recherches de Sigmund Freud (explorer l’inconscient).

 La mort du poète et chef de file va entraîner la fin du mouvement surréaliste, mais son esprit influença tant les milieux littéraires culturels et artistiques, qu’il reste encore vivant aujourd’hui en chacun de nous et dans le monde entier. Le mot est entré dans le dictionnaire, souvent synonyme de bizarrerie ou de fait inhabituels dans le langage commun, il qualifie de surréaliste le premier fait surprenant semblant échappé à la conscience, à la raison. Le surréalisme reste exemplaire par sa cohérence et la constance de ses exigences, notamment en matière de création picturale.

 Paris n’existe pas :
 
Cette petite phrase provient d’un pochoir mural, elle m’avait automatiquement fait pensé au livre de Louis Aragon (1897-1982) : "Le Paysan de paris", dans le sens ou Paris n’existe pas, il n’est que ce chacun en vit.

 Pour Aragon le Paris des années vingt est l’occasion d’écrire une mythologie moderne consacrées au Passage de l’Opéra, où se réunissait le groupe surréaliste, passage aujourd’hui disparût et au Parc des Buttes-Chaumont. Ce parc est un lieu de promenade fantastique. Le fort dénivelé de son terrain permet le circuit de ruisseaux dont l’un pénètre dans une grotte sous la forme d’une cascade de 32 m. de hauteur. Au coeur du parc, il y a un lac, occupé par L'île du Belvédère, surmontée à 30 m de hauteur de rocaille, d'un kiosque, dit "temple de la Sibylle". Un escalier de 173 marches pratiqué à l'intérieur du rocher permet de monter ou de descendre de l’un à l’autre. Deux ponts mènent à l’île, l’un, à l’ouest, est une passerelle suspendue de 65 m. et l’autre, au sud, "le pont des Suicidés", est fait en maçonnerie d’une portée de 12 m. et de 22 m. de hauteur. Sur le flanc sud du lac est construite une grotte de 14 m de large et 20 m de haut, toute décorée de stalactites dont les plus grandes atteignent 8 m. c'est le parc public parisien le plus riche en variétés d'essences dont un sophora dont les branches se penchent vers les eaux du lac, un platane d'Orient planté en 1862 (6,35 m de circonférence), un févier d'Amérique, un noisetier de Byzance, deux ginkgos bilobas, un orme de Sibérie, un cèdre du Liban planté en 1880... Il n'est pas rare de voir ou d'entendre toutes sorte d’oiseaux comme des mésanges à longue queue, grimpereaux, pics verts, roitelets, grives, geais, pouillots véloces, éperviers et chouettes hulottes, et sur le lac : poules d'eau, colverts, pilets, tadornes casarca, bernaches du Canada, oies à tête barrée, hérons cendrés, goélands et mouettes rieuses et, parfois, des martins-pêcheurs.
 Un lieu idéal pour des flâneries amoureuses, intellectuelles ou artistiques…

Avant de monter à la capitale pour y faire mes études aux beaux Arts, j’avais lu "Le Paysan de paris". Entre deux études, je me précipitais aux Butes Chaumont pour y retrouver des souvenirs littéraires et dans les passages rappelant le Passage de l’Opéra chère aux surréalistes. Mon préféré était le Passage Vendôme situé dans le IIIe arrondissement, entre la place de la République au nord et la rue Béranger au sud, où avec quelques étudiantes et étudiants d’art de littérature ou de sciences humaines, tous passionnés de surréalisme, nous nous réunissions à l’égale de nos aînés le soir dans un petit resto. sympa pour y refaire le monde.

« C'est ce lieu où vers la fin de 1919, un après-midi, André Breton et moi décidâmes de réunir désormais nos amis, par haine de Montparnasse et de Montmartre, par goût aussi de l'équivoque des passages, et séduits sans doute par un décor inaccoutumé qui devait nous devenir si familier ; c'est ce lieu qui fut le siège principal des assises de Dada. » Louis Aragon - Le Paysan de Paris.

 Culture de l’insolite, aux objets pourtant bien réels, le livre est né d'un sentiment décalé : celui d’un paysan ouvrant à tout de grands yeux, le poète nous apprend à voir d'un regard neuf les passages, les boutiques des coiffeurs à bustes de cire, les bains, les immeubles les plus ordinaires, les affiches, les extraits de journaux, un univers semblable à des collages.

 On pourrait évoquer les notions de double, de perfection, l’imitation de la nature ou mimesis, le geste divin de création… En fait cette peinture intitulée "Agalma" devait être dans sa conception une "Ecole du surréalisme", dans le sens où une œuvre peut être sensé dispenser un enseignement ; puis elle devint un pamphlet qui se serait intitulé "Paris n’existe pas", dans le sens ou je me permettais de jeter un regard indigné sur les interdits de notre monde ; puis quand l’œuvre fût achevée elle se mis à représenter pour moi, l’auto-analyse d’une paraphilie personnelle relatant une attirance sexuelle envers les statues, poupées, mannequins ou autres objets similaires figuratifs, fantasmée ou réelle, l’"Agalma". Un artiste ne met-il pas l’essentiel de lui-même dans son œuvre, y compris son narcissisme ?
 
Jean-Bernard Pouchous
 
 

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